Un membre du collectif a écrit un courrier pour une famille de l'école Paul Langevin qui fait un recours suite au refus de leur demande de dérogation vers le collège Jean Moulin.
Le Havre, le 18 juin 2025
Mesdames, Messieurs,
Je suis Julia, maman de 2 enfants, parent d'élèves (et représentante élue) dans le groupe scolaire Paul Langevin depuis 2013 et au collège Jean Moulin depuis 2021.
En 2019, j'ai commencé à me poser des questions sur le collège et cette fuite d'élèves vers le privé : Tous les collèges publics aux alentours souffraient d'une mauvaise réputation (niveau, ambiance...) et les élèves sont dispatchés dans de multiple collèges (problème de la carte scolaire).
En juin 2018, 69% des élèves sortants de Paul Langevin sont allés dans le privé. Les 31% restants, soit 16 élèves, ont été affectés dans 9 établissements.
Partageant le même constat de ségrégation des colléges publics de secteur avec des parents de l'école Jean Zay, nous avons créé le collectif "Quel collège pour nos enfants" (qui est devenu, depuis, le collectif "Quel avenir pour nos enfants").
L'objectif était de mesurer si les aprioris sur ces établissements étaient fondés et de renouer du lien entre les écoles et les collèges publics afin que les parents fassent un choix éclairé.
Nous avons tenté à diverses reprises de construire une stratégie partagée entre les collectivités, les familles et les établissements sans que cela n'aboutisse. Quand des actions sont faites par l'inspection académique, elles le sont sans concertation ni adhésion de l'ensemble des parties prenantes.
Nous avons donc vu directement avec les responsables des établissements ce que nous pourrions mettre en place.
L'école Paul Langevin ne fait partie ni du Réseau d'Education Prioritaire, ni de la cité éducative à contrario des nombreux collèges de secteurs dont elle dépend.
Il est impossible de mener des actions avec tous les collèges de secteur. La majorité des élèves dépendants de Jean Moulin, des liaisons ont été mises en place avec celui-ci.
Les actions faites par les établissements et les parents portent leurs fruits, surtout les années où des parents moteurs ont leur enfants en CM2, tel que cela a déjà été la cas en 2021 : 67% des élèves ont été dans des collège publics.
Une année ne faisant pas l'autre, la situation reste fragile. Des parents ont envie de faire confiance à l'école publique mais restent craintifs et se rangent parfois au choix de l'établissement majoritaire de leur groupe d'ami.e.s.
Comme la fuite vers le privé est un effet de masse, il est aussi possible de générer un effet de masse vers le public, comme c'est le cas cette année.
Le collège Jean Moulin, a regagné de l'attractivité grâce au travail des équipes administratives et pédagogiques, et des parents.
Pour 2025, peu de familles demandent une dérogation pour ne pas aller à Jean Moulin et certaines font la demande d'y aller. C'est donc une réussite de notre point de vue.
Nous nous doutons que si l'engouement se crée, il faut allouer des moyens supplémentaires mais n'est ce pas le moment d'en mettre ? De profiter de cette situation pour créer de la mixité sociale et scolaire qui manque encore au collège Jean Moulin ? N'est-ce pas un bon signe pour l'école publique ?
Des parents ont envie de croire à cette école, tout en sécurisant leurs enfants au moment crucial qu'est l'adolescence, en les inscrivant dans des établissements dans lesquels ils ont confiance et où iront d'autres enfants avec lesquels ils ont déjà tissé des liens.
En refusant ces demandes de dérogations vers le collège Jean Moulin ou tout collège public qui semble plus adapté aux parents, vous incitez les familles à aller vers les établissements privés. Dans ces derniers, si les enfants ont le bon comportement, un bon niveau et de l'argent, ils sont pris.
Malheureusement, ce type de profil vient déjà à manquer dans les collèges publics.
Le rectorat devrait œuvrer ou du moins faciliter l'accès de tous les enfants aux collèges publics.
Les souhaits des familles de cette année démontrent vraiment qu'elles croient à l'école publique mais souhaitent être accompagnées, rassurées. Ce sont 6 années de travail de fond qui méritent d'être soutenues.
Cordialement,
Julia